INTERVIEW AVEC LE MINISTRE

On le sait, le Ministère de la Construction, du Logement et de l’Urbanisme est très sollicité. En effet, les besoins des populations liés à ce Département ministériel sont énormes. Conscient de ce fait, le Ministre Bruno KONE ne ménage aucun effort pour apporter son éclairage, toutes les fois qu’il est sollicité.

À travers cette interview, le Ministre de la Construction, du Logement et de l’Urbanisme nous fait savoir les missions de son Département ministériel.

Monsieur le Ministre, vous avez pour missions entre autres de faciliter l’accès pour tous à un
logement décent et à moindre coût, dans un cadre urbain agréable, dont l’évolution est maîtrisée.

Pouvez-vous nous en dire davantage ?

En effet, le taux d’urbanisation est passé de 17 % en 1960 à environ 52 % en 2023, conformément aux résultats du dernier Recensement Général de la Population et de l’Habitat – RGPH 2021. Cette transition rapide du rural vers l’urbanisme, impose un certain nombre d’actions pour faciliter l’adaptation de la vie de nos populations en ville.

Le ministère de la Construction, du Logement et de l’Urbanisme, dont j’ai la charge, à pour mission essentiel de garantir une gestion saine et sécurisée du foncier urbain, assurer un développement urbain harmonieux et équilibré de nos villes, tout en favorisant l’accès à un habitat décent et fonctionnel à toutes Les catégories sociales de nos populations.

Pour ce faire, et conformément à la vision du Président de la République, SEM Alassane Ouattara, mon Département conduit des projets structurants, en vue de s’assurer que nos villes répondent à tous les besoins essentiels de nos populations, notamment en matière de mobilité urbaine, d’assainissement, d’équipements publics et de proximité, d’emplois, et de loisirs. Ces pro- jets prennent en compte les problématiques liées au cadre urbain et au cadre bâti, à travers les opérations de rénovation urbaine, de restructuration des quartiers précaires, d’adressage des voies et unités d’occupation, de création de villes nouvelles et de nouveaux pôles urbains, de sécurisation et d’optimisation foncière, d’habitat social, etc.

En ce qui concerne le secteur spécifique du logement, notre pays est engagé dans un ambitieux Programme Présidentiel de Construction de Logement Sociaux et Économiques, lancé en 2011, sous l’égide du chef de l’État, en vue de répondre à l’urgence du déficit enregistré dans ce secteur, évalué à environ 600 000 unités, avec un accroissement de l’ordre de 10% par an. À l’origine, ce programme visait La réalisation de 60 000 logements sur la période 2011-2015, objectif rehaussé par la suite, à 150 000 logements sur la période 2021-2025. ( le Ministère de la Construction )

Comme modus operandi, notre pays a fait Le choix de s’inscrire dans un cadre de partenariats public-privés, à travers lequel l’État s’engage à mobiliser Les réserves foncières nécessaires, à financer la réalisation des VRD primaires (connexion aux réseaux électriques et l’approvisionnement en eau potable, en réalisation des voiries primaires et Les réseaux d’assainissement, etc.}, et à accorder des exonérations fiscales aux promoteurs immobiliers retenus. En contrepartie, les entreprises sélectionnées sont tenues de réaliser Les logements sur les sites mis à disposition, avec une obligation de produire un quota minimum de 60% de logements à caractère social et économique.

Quelle est la situation de la Côte d’Ivoire aujourd’hui à cet égard ?

À ce jour, les efforts du gouvernement ont permis de réaliser environ 30 000 unités de logements sur l’ensemble des réserves foncières mobilisées par l’État. Ce résultat, non négligeable, reste toutefois insuffisant au regard des besoins importants exprimés dans Le secteur. En effet, il convient de reconnaître que la mise en œuvre de ce vaste programme s’est heurté à un certain nombre de difficultés d’ordre institutionnel, réglementaire, technique et financier qui n’ont pas permis d’atteindre les objectifs escomptés. Pour cette raison, l’accès à un logement décent et accessible reste encore difficile pour une grande majorité de nos concitoyens, notamment les ménages du secteur informel, à revenu faible et irrégulier. ( le Ministère de la Construction )

Depuis 2018, une deuxième phase du programme à vu jour avec la mise en place d’un ensemble d’instruments techniques et financiers permettant de corriger toutes les défaillances observées dans La précédente phase, d’accélérer La production industrielle des logements et de faciliter leur accès aux couches sociales Les plus défavorisées, à travers des mécanismes de location simple et de location-vente.

Quelles réformes avez-vous engagées depuis 2018 ?

Les réformes entreprises tirent leur essence d’un diagnostic approfondi que nous avons opéré afin d’identifier l’ensemble des contraintes et des pesanteurs observées dans la mise en œuvre du pro- gramme. De ce diagnostic, il nous est apparu essentiel, dans un premier temps, d’apporter davantage de cohérence et de lisibilité sur Le cadre législatif et règlementaire du secteur de l’habitat ; ce qui a justifié l’adoption en 2019, de La loi n° 2019-576 du 26 juin 2019 portant Code de la Construction et de l’Habitat en Côte d’Ivoire. Aussi en vue de disposer d’un environnement institutionnel, technique et financier favorable à la re- dynamisation du secteur de l’habitat, le gouverne- ment a-t-il décidé de mettre en place de nouveaux outils et de renforcer certaines institutions déjà existantes, à travers:

  • la création de l’Agence Nationale de l’Habitat, chargée de la coordination des actions de l’État dans le secteur de l’habitat ;
  • la mise en place du Fonds de Garantie du Logement Social (FGLS) destiné à garantir Les prêts immobiliers en faveur des ménages du secteur informel ;
  • La recapitalisation de la Banque de l’Habitat de Côte d’Ivoire (BHCI), en vue de renforcer sa position sur Le marché de financement de l’immobilier ;
  • l’instauration d’une parafiscalité sur certains matériaux de construction (ciment, fer à béton et marbre) pour la mobilisation de ressources exclusive- ment dédiées au financement du logement social.

Voici globalement résumé l’essentiel des réformes opérées dans Le secteur, qui nous donnent l’occasion d’aborder avec beaucoup plus de sérénité, d’espoir et de chance de succès, la deuxième phase du Programme Présidentiel des Logements Sociaux et Economiques.  Les questions qui cristallisent avec persistance notre attention portent essentiellement sur la problématique de la mobilisation de financement suffisant et adapté pour l’accélération de notre ambition, visant à accroître nos capacités de production à une échelle de 40 000 à 50 000 logements réalisés annuellement. Le renforcement de l’accessibilité de l’offre immobilière, à travers les mécanismes de la location-vente et de la location simple, impose La mobilisation de financements répondant à des caractéristiques spécifiques de maturité (supérieur à 20 ans) et de confessionnalité des taux d’intérêt (inférieur à 3%), pour garantir l’équilibre du montage financier des opérations à réaliser.

À ce titre, notre pays s’est engagé à rechercher auprès de plusieurs bailleurs de fonds internationaux (BADEFA, BID, BOAD, BAD, Fonds d’Abu Dhabi, etc.) des ressources correspondant aux caractéristiques souhaitées. Je me réjouis et me félicite du grand intérêt manifesté par l’ensemble des bailleurs sollicités qui ont répondu favorablement à notre appel. Toutefois, au regard de l’importance des besoins dans le secteur, mon Département reste ouvert à toutes Les offres de financement proposées par des partenaires fi- nanciers privés. Dans ce cadre, nous bénéficions de l’assistance de la Société Financière Internationale (SF), dont l’accompagnement permettra de mettre en place un cadre de partenariat public-privé attractif pour la mobilisation de financements privés orientés vers la production de logements abordables dans notre pays.

Quels grands projets structurants portez-vous ?

Mon Département est porteur de plusieurs projets à fort impact social, économique et urbanistique, prévus à l’agenda du PND 2021-2025. Dans le secteur du foncier et du développement urbain, nous travaillons avec IGN FI sur l’opérationnalisation avancée du Système Intégré de Gestion du Foncier Urbain (SIGFU), qui vise à moderniser et à dé- matérialiser La gestion du foncier urbain, en renforçant la célérité et la sécurité dans La délivrance des titres de propriété. ( le Ministère de la Construction )

Cet outil permettra, à terme, de réduire de manière très significative le nombre de litiges liés au foncier en Côte d’Ivoire et d’améliorer l’environnement des affaires. Aussi en vue de garantir un développement urbain maitrisé, mon Département s’est-il engagé dans la mise en œuvre de projets à forte complémentarité, tels que le projet de rénovation des quartiers anciens de la ville d’Abidjan, le Projet d’Aménagement des Quartiers Restructurés d’Abidjan (PAQRA), le Projet d’Adressage du District d’Abidjan (PADA), le projet de création de trois (03) villes nouvelles dans le Grand Abidjan, etc.